
Cela fait un petit moment que j’hésite à écrire cet article, un peu plus personnel que les autres sujets que j’ai abordés par ici. A l’origine, je pensais vous remercier tout simplement de votre support quotidien, vos jolis messages qui me font chaud au cœur, votre bienveillance pour moi, mon bébé, mes chiens. Mais ça va plus loin que ça. Je resterait en surface et, si vous me suivez depuis un certain temps, vous savez que ce n’est pas dans ma nature.
J’aime bien vous expliquer les choses telles que je les vois, de la manière la plus honnête possible, même si des fois ça peut être cru ou ça me met à nu. Et cette fois-ci, c’est une dissection sur cœur ouvert que je vous propose, pour vous expliquer pourquoi mes parents ont honte de ce que je fais et pourquoi je continue à le faire quand même. Elle a été réveillée en moi par l’approche imminente du Marathon de Paris, l’événement qui a déclenché, il y a 3 ans, ce malêtre dont je vais vous parler.

Play the game
Lorsqu’on montre sa vie sur les réseaux sociaux, on prend volontairement quelques risques, on s’expose aux critiques, mais quand j’ai commencé à le faire je m’attendais plutôt à ce que ça vienne de la part d’inconnus. Pas de celle de ma famille proche. Depuis mon plus jeune âge, j’ai été une révoltée, une anarchiste dans mon genre, celle qui n’a pas envie de suivre les règles juste parce qu’on m’a dit de le faire ou faire bonne impression. Je m’en fout royalement de faire bonne impression pour être sincère, mais je suis en permanente quête de sens.
Si les règles à suivre me semblent logiques, je vais les appliquer à la lettre, comme un bon petit soldat. Sinon, je vais les questionner, les peser sur ma balance des valeurs et si ça n’y colle pas, les ignorer complétement. Ça a le don d’affoler mes parents, très soucieux du regard d’autrui. Il faut dire qu’en Roumanie « qu’est-ce que les gens vont penser ? » est la question qui préoccupe le plus les esprits. Pas le mien. Je ne saurais pas vous dire d’où ça vient, peut-être est-ce dans ma nature ou peut-être quelque chose dans ma très jeune enfance m’a fait tout mettre sous un grand et permanent signe d’interrogation. Je me faire confiance pour la prise de décision, sans trop m’attarder sur l’avis du plus grand nombre.
Maintenant, que vous avez le contexte, voilà les faits. Je vais vous en parler de deux, en particulier et vous allez tirer les conclusions tous seuls.

Le marathon pour les nuls
Le premier est lié à mon premier marathon. Quand j’ai annoncé à mes parents que j’allais participer à un marathon, j’étais prise d’une euphorie hors paire. Je courais depuis un certain temps, j’avais fait plusieurs 10km et semis et je me sentais prête à me lancer un nouveau défi. J’ai toujours fait du sport, même si mes parents préféraient que ce soit du ballet et moi de la boxe anglaise. Passons.
J’annonce donc à mes parents mon inscription au marathon de Paris 2016. Ils ont pris feu et m’ont expliqué le marathon pour les nuls, à leur manière : j’étais une inconsciente qui allait se tuer en route, car faire 42km est inhumain, ça n’a aucun intérêt. Faire autant de sport, de toute manière, c’est débile. Et pour les débiles. Leur discours, pas le mien. Qu’allaient penser Machine et puis Machin aussi ? Parce que bon, personne ne dit de ne pas faire un peu de sport par ci par là, mais que voulais-je démontrer au juste ? Le sport de ce niveau est réservé aux « vrais sportifs ». Ces jugements de valeur n’ont pas affecté ma décision, j’allais le faire ce p*tain de marathon de toute manière, mais ça m’a fait mal.
Parce que la prépa marathon n’est pas que physique, c’est aussi et surtout psychologique. Courir cette distance c’est imaginer à tout moment qu’on est capable de le faire, visualiser son objectif et le dénouent de tous ces entraînements qu’on s’impose pour y arriver. Et, dans mon cas, mes propres parents ne me croyaient pas capable de le faire. Au contraire, ils pensaient que j’allais mourir, au sens propre, comme le pauvre premier malheureux qui a parcouru cette distance.
J’ai fermé mon cœur à toute considération extérieur et j’ai foncé. Par la même occasion, j’ai arrêté de leur en parler. Ils sont même allés jusqu’à me dire que ça leur faisait honte et qu’ils auraient préféré que je fasse une thèse de doctorat plutôt que ces conneries-là. Sachant que je suis diplômée de Sciences Po. Paris et que je suis loin d’être une abrutie, mine de rien. Et que, dans mon domaine, une thèse n’a pas beaucoup d’intérêt, pour être honnête.
J’ai eu un petit sursaut d’optimisme lorsque mes parents m’ont annoncé leur intention de venir à Paris début avril, cette année-là. Les dates tombaient autour du marathon, je me suis dit qu’ils ont dû réfléchir de leur côté et se rendre compte à quel point ce projet était important pour moi. Je n’avais pas vu tout de suite le lien avec l’anniversaire de ma mère, qui était leur vraie raison de se déplacer à ce moment. Une pure coïncidence avec le marathon, donc. Je ne suis pas une hyper sensible, mais j’avoue que les savoir dans la même ville que moi pendant que je courais mon premier marathon, mais sans avoir envie de venir m’encourager, ça m’a détruit un peu le moral. Pas vraiment ce dont on a besoin la veille d’une course comme celle-là.
Pourtant, je leur avais proposé de me croiser en route à un endroit où ils allaient de toute manière passer. Ils ont d’abord dit oui, puis ils m’ont appelée lorsque j’étais sur la ligne de départ pour me dire qu’ils ont changé d’avis et ils feront un autre parcours ce jour-là. En passant vers le lieu de rendez-vous, j’avais les yeux remplis de larmes et le cœur lourd : ils n’étaient pas là. Évidemment. Évidemment, je l’avais espéré jusqu’à la dernière minute. Après, j’ai espéré les voir sur la ligne d’arrivée. En vain.
Ils m’ont dit, en rentrant, qu’ils avaient regardé des images du marathon à la télé… Ça avait l’air important comme événement. Apparemment. No shit ! je me suis dit et j’ai avalé ma déception, une fois de plus. J’ai un tempérament assez volcanique, j’avoue. J’ai explosé sur ce sujet quelques jours plus tard. Ils n’ont pas compris mon énervement.

Les médias pour les nuls
Deuxième événement qui m’a complétement dégoûtée et fait jeter l’éponge en ce qui concerne la compréhension de mes parents de ce que je fais, a été lié à une parution de mon profil dans la presse. Ça se passait l’année dernière. Sur Instagram, mon principal réseau social, j’avais une communauté d’à peu près 15 000 personnes. J’ai été contactée par Runners World, le plus grand magazine de running au niveau mondial, qui voulait faire un focus sur le canicross et me donner la parole sur une page entière !
J’étais si fière ! Une si grande publication, dont je dévore les articles chaque mois, voulait parler de moi et de ce que je fais ! J’en ai parlé, évidemment (et bêtement) à mes parents. Non seulement ils n’ont pas été enthousiastes, mais ils ont réussi à me casser le délire en 2 phrases : pour eux, je ne faisais que balader mon chien (en courant, oui, et alors ?) et ça ne méritait aucun intérêt. « Au lieu d’être fière de ces conneries avec ton chien, tu devrais plutôt songer à faire un enfant, à ton âge ». J’étais, en plus, trop vieille pour ce genre de gamineries.
Je ne dis pas que ce que je fais est extraordinaire, je ne le pense pas. Mais c’est une fierté pour moi de me dire que j’arrive à motiver d’autres gens avec ma passion, je saute au plafond quand je reçois des messages privés où quelqu’un me dit avoir commencé le sport, le running ou le canicross grâce à mon compte. Quand quelqu’un me raconte sa première course ou sa rencontre avec son chien. Quand je reçois des questions qui peuvent vous aider, quand on répond à mes questions sur des sujets qui me tracassent. Ce sont de toutes petites choses, quand on y pense, mais je n’ai pas besoin de beaucoup pour être heureuse, moi.
J’aurais aimé que mes parents me montrent un peu de soutient par rapport à toutes ces nouvelles aventures. Ce n’est pas le cas, tant pis. Ce n’est pas parce qu’ils ne m’aiment pas, qu’on soit clairs là-dessus, je suis persuadée qu’ils m’aiment plus que tout. Seulement, mon intérêt pour le sport et le fait de le partager avec vous, ils ne comprennent pas et ça les gène. Pour quelle raison ? ça me dépasse, ils n’ont pas réussi à me l’expliquer.

J’aurais juste voulu qu’ils comprennent que c’est important pour moi et ne pas changer de sujet lorsque je leur dit que j’ai été encore une fois interviewée dans la presse. Surtout que, pour eux, savoir quelle purée ma fille a mangé ce midi est plus important que de me voir super heureuse parce que je suis ambassadrice d’un canicross ou parce que je vais faire un voyage de presse super sympa. « Ah oui, encore de la transpi et des chiens, c’est tout ce qui l’intéresse, elle. »
Ce n’est peut-être pas glorieux, oui, ça dépend de l’avis de chacun. Mais ça m’anime, ça me rend heureuse et ça me fait du bien, donc pourquoi le questionner à chaque fois ? Bref, tout ça pour vous dire que j’ai trouvé dans ma communauté, chez vous, des gens qui partagent ma manière de voir la vie. Mon amour pour la transpiration, pour les endorphines, l’adrénaline d’une course, l’amour pour les animaux. J’ai arrêté depuis longtemps d’en parler à mes parents, ça ne sert à rien, mis à part à me blesser. Ils n’ont pas su quand j’ai fait mon deuxième marathon, ni quand je passe à la télé. C’est triste, quand on y pense, mais c’est comme ça. En écrivant ces lignes, je suis abattue. Je n’aime pas me laisser démoraliser, mais ça m’arrive.
Donc voilà, si je vous suis autant reconnaissante c’est parce que sans vous rien de ce que je fais ne serait possible. Si je suis là aujourd’hui c’est parce que vous partagez les mêmes valeurs. Par dessus tout, je vous suis reconnaissante d’être là depuis longtemps ou moins longtemps, mais d’être toujours bienveillants, passionnés et ouverts au débat. Merci d’être là, merci d’être vous. Je vous kiffe.
Andreea
Comme ton post me touche. Je vis la même chose à peu de choses près . Le regard de mes ami-e-s me porte. Sans eux ce serait invivable. Moi j’écris. Pour mes parents on n’écrit pas quand on a loupé un deug de lettres modernes. Et mon travail en maternité est une honte aux yeux de mon père. Quant au fait de courir avec une « bestiole toute moche et qui pue », c’est pour eux une aberration. Une obèse ne peut pas courir ou marcher. Et encore ils ne savent pas que je suis modèle photo nue lol! L’amour de mes proches me permet d’affronter ma famille que je ne vois presque plus et à qui je ne dis plus rien. J’ai décidé de voir le beau, et cela me réussit bien… Il y a des portes qui doivent se fermer.
J’aimeJ’aime
Ton message est si doux et si puissant à la fois, merci pour ton partage, j’en suis très touchée. Je pense qu’il faut beaucoup de courage pour affronter toutes ces épreuves ta tête haute, bravo à toi pour cette force d’aller de l’avant et savoir apprécier ceux qui te soutiennent et t’acceptent pour qui tu es !
J’aimeJ’aime